mercredi 12 août 2009

Courage, shortons !

Vendre à découvert (ou « shorter » en jargon financier) est un art dangereux.

Il consiste à emprunter un titre, à le vendre sur le marché, dans l’espoir de le racheter ultérieurement à un prix inférieur au prix de vente. Il s’agit donc de parier sur la baisse d’une action.

Cette méthode présente trois désavantages principaux :

- Elle est statistiquement perdante, dans la mesure où le marché boursier monte plus souvent qu’il ne baisse (heureusement !),

- Elle est rendue coûteuse par le taux d’intérêt qu’il faut verser au prêteur du titre,

- Elle expose l’investisseur à une perte potentiellement infinie : il n’y a pas de limite à la hausse du titre emprunté et donc pas de limite au risque de perte (si vous vendez à découvert 1 seul titre à 10€ et que celui-ci monte à 1000€ pour une raison ou pour une autre, vous aurez perdu 990€).

Bref, dans 95% des cas, il vaut mieux s’abstenir de « shorter ».

Mais aujourd’hui, c’est différent. Les marchés boursiers mondiaux ont repris 50% en 5 mois ; beaucoup de valeurs ont doublé depuis mars ; les valorisations sont à nouveau élevées alors que la situation économique reste compliquée (c’est un euphémisme).

Reste à trouver la victime idéale, à savoir une action chère, dont les perspectives de rentabilité se dégradent (sans que ce soit encore totalement compris par le marché), si possible endettée (cela accélérera la baisse du titre en cas de déception) et susceptible de faire des avertissements sur résultats (ce qui suppose que la dite société ait présenté des perspectives excessivement ambitieuses au marché).

Une bonne cible pourrait être Bourbon, une société opérant une flotte de288 bateaux de service pétrolier offshore (navires ravitailleurs, remorqueurs, maintenance/réparation des champs, transport de personnel), ainsi qu’une petite activité de transport de vrac (5 bateaux détenus en propre).

Bourbon est cher : plus de 14x les résultats 2009, contre 7,5x pour son concurrent américain Tidewater. Depuis le début de l’année, l’action a gagné 64%.

Bourbon voit sa croissance ralentir brutalement : à taux de change constants, le chiffre d’affaires progressait de 23% au T4 08, de 3% au T1 09 et il est désormais négatif de 2% au T2 09.

Les perspectives sont moroses : la baisse de la demande (liée à l’affaissement des prix du baril) et l’arrivée (en grand nombre) de nouveaux bateaux sur le marché des services offshore pétroliers se traduisent par une baisse des taux d’utilisation et une baisse des tarifs journaliers. Celle-ci sera de plus en plus forte dans les trimestres à venir, à mesure que s’effectuera, à des conditions moins favorables, le renouvellement des contrats annuels ou pluri-annuels.

Le management est excessivement optimiste : Bourbon s’est engagé sur des objectifs 2012 qui seront difficiles à tenir (croissance annuelle du chiffre d’affaires de 17% par an, marge d’EBITDA de 40% en 2012, ratio EBITDA/capitaux engagés de 18% en 2012). Ces objectifs ont été réitérés début août, mais le marché pourrait rapidement spéculer sur la capacité de Bourbon à tenir ce plan de marche.

Les équilibres bilantiels sont périlleux : 1,3 milliard de dette nette fin 2008 et un programme d’investissement colossal d’ici 2012 (158 navires offshore et 18 vraquiers en commande), qui se traduira par une poussée continue de la dette dans les prochaines années.

Bien sûr, le marché pourrait prendre plusieurs trimestres avant de réaliser les soucis de Bourbon. Or, le temps coûte cher quand on shorte...

Et il est également possible que toute l'analyse présentée ci-dessus s'avère finalement totalement erronée et que le titre monte considérablement dans les mois à venir.

Prudence donc : la vente à découvert ne doit représenter qu'une partie très limitée d'un portefeuille d'investissement. A bon entendeur...

Argumentaire d'investissement complet sur Bourbon : cliquez ici.

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