jeudi 19 mars 2009

Savoir être contrariant

Le consensus a toujours tort, ou presque.

Il y a une bonne raison à cela : la communauté financière est par nature pro-cyclique, accentuant consciencieusement les mouvements de marché.

Quand le marché est bon, les encours affluent dans les sociétés de gestion, qui cherchent structurellement des idées d’achat. Analystes et vendeurs ne se font pas prier pour les aider à assouvir leurs envies de shopping, même quand les sociétés sont honteusement sur-évaluées (cf. 1999/2000).

Quand le marché est baissier (2001-2003, 2007-2009), les gérants font face à sorties de capitaux et ils doivent céder une partie des titres qu’ils ont en portefeuille. Seules les idées de vente peuvent alors cheminer jusqu’à leurs oreilles. Pas de soucis : les mêmes analystes et vendeurs trouveront tous les arguments pour tirer à boulets rouges sur des sociétés déjà massacrées.

C’est ce qui rend la bourse extraordinaire : pendant de longues périodes, les valorisations seront excessives, à la hausse ou à la baisse.

Cela laisse à l’investisseur contrariant, s’il est doté d’une bonne dose de sang-froid et de patience, toutes les chances d’acheter un titre avec une forte décote pour le revendre à un prix parfois supérieur à ce que justifieraient ses fondamentaux.

Cas pratique : Maisons France Confort.

Cette société de service met tout en œuvre pour vous permettre de construire, dans de bonnes conditions, votre maison individuelle : définir vos besoins ; trouver le terrain ; dessiner les plans ; trouver le financement ; vous informer des dispositifs fiscaux susceptibles de réduire la facture ; acheter les matériaux de construction ; sélectionner les sociétés de construction ; suivre les travaux ; assurer le respect de la réglementation.

Il s’agit d’un marché très fragmenté (plus de 3000 acteurs en France), essentiellement local, dans lequel Maisons France Confort occupe la deuxième place avec une part de marché nationale de l’ordre de 3%.

En juin 2007, le marché a payé le titre à près de 70 € pièce, pour un bénéfice par action, cette année là, de 3,37 €. Cela correspond à 21 fois les bénéfices de l’année en cours et 13 fois le résultat opérationnel courant.

Il faut dire que tout allait bien : le crédit était encore abondant, les commandes croissaient à deux chiffres, les acquisitions donnaient un coup accélérateur supplémentaire à la dynamique bénéficiaire du groupe.

Mais fallait-il payer si cher une société qui n’offre finalement qu’une différenciation minime par rapport à ses concurrents et dont le marché n’est protégé par aucune barrière à l’entrée majeure ?

Non : 21 mois plus tard, le titre vaut 12 €, divisé par près de 6 depuis ses sommets.

Le marché de la maison individuelle s’est fortement détérioré, avec des prises de commandes en baisse de 23% en 2008, dont environ -40% sur le dernier trimestre de l’année. Inévitablement, le chiffre d’affaires et les résultats de MFC vont baisser en 2009 et probablement également en 2010 en raison des effets de décalage liés au temps de construction d’une maison individuelle.

Le bénéfice par action, qui atteignait 3,34 € en 2007, pourrait tomber autour de 1,83 € (e) en 2010, soit un recul de 45%.

Cela pourrait-il être pire ? C’est peu vraisemblable compte tenu de la structure de coûts extrêmement flexible de MFC (les achats consommés représentent 80% des ventes et la rémunération des 300 commerciaux salariés du groupe – représentant un quart de l’effectif total – est essentiellement variable). Le bilan est également très sain avec des stocks peu élevés (23 M€ fin juin 2008 et une trésorerie nette de 29 M€ fin 2008).

Il en résulte qu’une baisse du chiffre d’affaires, même violente (-20%e entre 2008 et 2010) peut être absorbée tout en maintenant des niveaux de profitabilité corrects (marge opérationnelle 2010 de 4,7%e, vs. 7,2% en 2007).

Sur cette base, MFC se paie aujourd’hui 2x son EBITDA, 3x son résultat opérationnel et 7x son résultat net, le tout sur la base d’une année 2010 très difficile.

Quand, en plus, le gouvernement fait des pieds et des mains pour relancer le marché du logement neuf (doublement du prêt à taux zéro, « pass » foncier, etc.) et que la BCE fait tout pour faire baisser les taux longs (et donc les taux des crédits immobiliers, revenus sous les 4,50% en mars 2009), il est plus que temps de passer à l’action.

Achat recommandé (Attention : la bourse est un art risqué et les meilleurs raisonnements peuvent s’avérer dangereusement viciés – à vos risques et périls…).

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